L’UMR AMURE a le plaisir de vous annoncer la soutenance de thèse en droit portant sur :
Les droits du migrant en mer
Par Madame Cassandre GENONCEAU, UBO, École doctorale des Sciences de la Mer et du Littoral (SML), UMR AMURE
Résumé
Alors que les flux migratoires « spontanés » vers l’Europe sont en recrudescence depuis le début du XXIe siècle, à mesure que les conflits armés, la précarité des conditions de vie et les changements environnementaux rendent impossible un maintien dans le pays d’origine, la mer est devenue le théâtre d’un drame humanitaire qui semble sans fin. Sur toutes les façades maritimes européennes, les naufrages de migrants à bord d’embarcations de fortune se multiplient. Mais le risque de perdre la vie en raison des conditions de transport ne doit pas éclipser les autres dangers qui guettent le migrant à l’occasion d’un déplacement en mer. Lorsque le migrant cherche à gagner l’Europe par la voie maritime de façon à contourner plus facilement les contrôles à la frontière, souvent avec l’aide de passeurs qu’il rétribue à cette fin et qui l’exposent aux violences ou aux abus (trafic illicite de migrants), sa vie, sa dignité et sa liberté est fréquemment éprouvée par les États de départ ou de destination. Ces derniers cherchent à interrompre la navigation du migrant et à l’éloigner le plus rapidement possible, y compris lorsqu’il manifeste un besoin de protection internationale. Si la lutte contre l’immigration irrégulière et contre la criminalité organisée est un motif légitime d’interception au regard du droit de la mer, il reste que certaines pratiques étatiques sont constitutives d’une méconnaissance grave et flagrante d’un grand nombre d’obligations internationales. Les obligations dont il est question sont issues du droit international et européen des droits de l’Homme (« DIEDH »), qui proclame des droits fondamentaux attachés à la condition de personne humaine et qui impose aux États de les respecter et de les protéger, y compris en dehors de leur territoire. Ces obligations sont également issues du droit international de la mer, dont l’objet et le but se distinguent substantiellement de ceux attachés au DIEDH mais qui cherche malgré tout à assurer la sécurité et à la sûreté maritimes ; à ce titre, certains de ses instruments concourent à protéger la vie et la dignité humaines à l’occasion d’une situation de détresse en mer ou du trafic dont le migrant est l’objet. Les pratiques étatiques litigieuses consistent soit en des actions (recours abusif à la coercition, refoulement, expulsion collective, privation arbitraire de liberté, ingérence abusive dans la jouissance du droit d’émigrer, entrave à l’accès à la procédure d’asile), soit en des abstentions (inaction face à une situation de détresse, refus de coopérer pour assurer le débarquement des rescapés).
À ces pratiques s’ajoutent le comportement des acteurs privés d’une expédition maritime (capitaine, équipage, armateur), qui peut se révéler gravement préjudiciable au migrant en détresse en mer et au rescapé ou au passager clandestin à bord d’un navire marchand. Le constat ainsi dressé pose deux questions : la première intéresse la manière d’assurer, en mer, l’effectivité des droits du migrant ; la seconde intéresse la manière d’assurer une conciliation raisonnable entre la protection du migrant et l’intérêt légitime des États à empêcher l’immigration irrégulière sur leur territoire. Pour traiter ces deux questions, il importe de rationaliser les droits du migrant en mer au stade de leur jouissance, puis de leur exercice. Ce processus de rationalisation consiste à clarifier la teneur et la portée des droits fondamentaux en mer et à évaluer la réceptivité des autres normes du droit international (droit international de la mer, droit maritime international, droit pénal international, droit des réfugiés…) à ces droits. La rationalisation des droits implique également d’ordonnancer le droit applicable, étant entendu que plusieurs systèmes et ordres juridiques ont vocation à appréhender un grand nombre de situations en mer impliquant différentes catégories de migrants. Enfin, la rationalisation des droits invite à articuler les normes entre elles ; l’objectif est d’assurer une cohérence d’ensemble dans la recherche d’une base juridique apte à assurer le respect, la protection et la garantie des droits du migrant, sans pour autant méconnaître la souveraineté étatique et les compétences dévolues aux États en mer. Au-delà d’une analyse purement positiviste, la présente étude traite de problématiques juridiques complexes qui ne trouvent pas toutes une réponse de lege lata ; ces problématiques intéressent notamment la teneur et la portée du droit d’émigrer par la mer, la licéité d’un refus de débarquement, le contournement voire le détournement du droit par certains États européens, et leur tentative de diluer leur responsabilité vis-à-vis du migrant en mer dans celle d’États tiers.
Le Jury sera composé de :
- Annie CUDENNEC, Professeure des universités, Université de Bretagne Occidentale, Brest
- Pierre-François LAVAL, Professeur des universités, Université Jean Moulin, Lyon 3
- Arnaud MONTAS, Maître de conférences, Université de Bretagne Occidentale, Brest
- Gaël PIETTE, Professeur des universités, Université de Bordeaux, Pessac
- Yann TEPHANY, Maître de conférences, Université des Antilles, pôle Martinique, Fort de France
Mercredi 11 mai 2022 à 13h30
au PN2B, amphithéâtre,
6 rue du Bouguen, UBO, Brest